samedi 20 janvier 2018

C'est quoi, l'ethnologie ?

レヴィ・ストロース。フランスの文化人類学者。
Claude Lévi-Strauss (1908-2009), savant, fondateur de l’Anthropologie structurale, Académicien…

Dans le documentaire vidéo Claude Lévi-Strauss par lui-même (1h30 env.), l’ethnologue répond aux questions de Bernard Pivot en ce qui concerne la signification de l’ethnologie et le lien existant entre les ethnologues et l’écologie.


A quoi sert l’Ethnologie en général ?

« C’est une des nombreuses manières d’essayer de comprendre l’Homme. Si on veut comprendre l’Homme, on peut à la manière du philosophe se replier sur soi-même et essayer d’approfondir les données de la conscience. On peut essayer de regarder ce qui dans les manifestations de la vie humaine est le plus proche de nous, considérer notre Histoire depuis ses origines gréco-romaines jusqu’aux temps modernes ou bien on peut essayer d’élargir la connaissance de l’Homme pour y inclure même les sociétés les plus lointaines (et qui nous paraissent les plus humbles et les plus misérables) de manière à ce que rien d’humain ne nous reste étranger. »

Est-ce que les ethnologues n’ont pas été, avant tout le monde, les premiers écologistes ?

« Je pense que c’est vrai. Et c’est vrai parce qu’ils sont à l’école de peuples qui eux-même sont des écologistes qui ont réussi au prix de toutes sortes de pratiques (que nous jugeons supersticieuses et avec un peu de dédain) à se maintenir en équilibre avec le milieu naturel. Vous savez, quand parmi ces peuples d’Amérique du Sud et également du Nord, il existe des croyances en un Maître des animaux qui veille jalousement sur les procédés de chasse et dont on sait qu’il enverra des châtiments surnaturels à celui ou à ceux qui tueraient plus qu’il n’est strictement nécessaire… quand pour cueillir la moindre plante médicinale, il est nécessaire de faire d’abord des offrandes à l’esprit de cette plante… Et bien,  tout ça oblige à entretenir  avec la Nature des rapports mesurés.
Et certains peuples ont même la croyance que le capital de vie qui est à la disposition des êtres ne fait qu’une masse. Et par conséquent, chaque fois qu’on en prend trop dans une espèce, on doit le payer au dépend de la sienne propre. Et bien, tout cela bien-sûr frappe l’ethnologue et lui montre à quel point une façon, je dirais, censée pour l’Homme de vivre et de se conduire est de se considérer (non pas comme nous l’avons fait depuis l’Ancien Testament et le Nouveau, et depuis la Renaissance aussi) comme le Seigneur et les Maîtres de la Création mais comme une partie de cette Création que nous devons respecter puisque ce que nous détruisons ne sera jamais remplacé et que, nous devons transmettre tel que nous l’avons reçu à nos descendants. Ca, c’est une grande leçon ! Je dirais même que c’est la plus grande leçon que l’ethnologue peut tirer de son métier. »


La carrière de Claude Lévi-Strauss s’est joué un dimanche de l’automne 1934 à 9h du matin lorsqu’il reçoit un appel téléphonique lui demandant s’il avait toujours envie de faire de l’ethnographie et si c’était bien le cas, d’envoyer sa candidature comme Professeur de Sociologie à l’Université de San Paolo au Brésil. On lui précise alors que les faubourgs de la ville étaient remplis d’Indiens et qu’il aurait le temps de leur consacrer ses week-ends. C’est plus tard, dans ses années à New-York, notamment à la New-York Public Library où il lit un nombre considérable d’ouvrages sur la formation d’ethnologue.
C’est donc auprès des peuples indiens d’Amazonie qu’il fait ses premières expériences de terrain que l’on situe entre 1935 et 1939. Voir le documentaire de 45 mn A propos de Tristes tropiques ( avec des archives cinématographiques et photographiques ainsi que des extraits lus de Tristes tropiques), qui lui est dédié. Voici quelques éléments d’observation qu’il a pu noter sur trois groupes d’Indiens du Mato Grosso.

Parmi les Caduvéo : « Les Indiens étaient ivres morts la plupart du temps et conservaient un Art d’un raffinement et d’une subtilité extraordinaire. Je pense que cela a été un des mobiles déterminants de ma réflexion sur tout ce que j’ai écrit par la suite sur les Arts des peuples dits primitifs en général et sur les Arts de notre propre société. »
Parmi les Bororo : « […] C’est un système religieux qui est probablement un des plus compliqués qu’on connaisse dans l’ensemble de l’Humanité par un panthéon qui comprend toutes sortes de dieux, un rituel tellement riche… »
Parmi les Nambikwara : « On y trouve l’essence même de la vie sociale réduite à sa plus simple expression. Ils dorment par terre et nus. Ils se réchauffent en se serrant les uns contre les autres ou se rapprochent des feux de camps qui s’éteignent. Couchés à même la terre qui s’étend alentour, les époux étroitement enlacés se perçoivent comme étant l’un pour l’autre le soutien, le réconfort, l’unique secours contre les difficultés quotidiennes et la mélancolie rêveuse qui de temps à autre envahit l’âme Nambikwaras. On devine chez tous, une immense gentillesse, une profonde insouciance, une naïve et charmante satisfaction animale et rassemblent ces sentiments divers, quelque chose comme l’expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine. »  


Les Ethnologues photographient, filment voire dessinent, ce n’est pas rare… La documentation imagée est une aide précieuse pour l’ethnologue : elle vient éclairer le texte rendu parfois trop ardu par des traditions trop éloignées des notre ou des représentations figuratives difficilement traduisibles à l’écrit.
Les Indiens d’Amérique du Sud et du Nord ont suscité et suscitent toujours beaucoup d’intérêt. Dans des articles précédents, j’avais déjà présenté Edward Sheriff Curtis. Je me dois de le réintroduire ici suite à la découverte des œuvres artistiques de Donni Buffalo Dog qui s’est inspirée du travail du photographe.

 Edward Sheriff Curtis (1868-1952), photographe des Indiens :

« Au début du siècle, Edward Sheriff Curtis entreprend de photographier les Indiens d’Amérique du Nord afin d’immortaliser ce qui peut être sauvé de ces cultures sur le point de disparaître, dans leur forme originelle.
Comment cette œuvre monumentale (40 000 clichés) est-elle née dans l’esprit de son créateur et comment l’a-t-il menée à bien ? Tel est le sujet de ce magnifique album pour lequel Florence Graybill Curtis a sélectionné les plus belles photos de son père. Son témoignage et des documents inédits retracent en détail la vie et l’œuvre de celui qui, pendant trente ans, poursuivit avec une passion et un acharnement exceptionnels la mission qu’il s’était fixée.
A travers son objectif, Curtis saisit les visages, les attitudes, les rites, les scènes de la vie quotidienne et de l’intimité, mais aussi les paysages, le cadre de vie et l’habitat de quelque quatre-vingts tribus.
Le résultat force l’admiration : ses photographies restituent la beauté et la grandeur d’un univers aujourd’hui mythique que ce livre émouvant et rare, en même temps qu’il rend hommage à un immense artiste, ressuscite à jamais. » (Résumé du livre)


Les photographies de Curtis sont touchantes, puissantes… Il a ouvert la voie de l’âme des Indiens et son énorme documentation continue d’inspirer des gens de toutes sortes. Ses portraits sont saisissants et naturels. On y croise des regards. Et ces regards nous parlent, pénètrent à leur tour notre âme et force notre pensée, nous propulsent sur diverses interrogations. Méritaient-ils un tel destin ? Qu’avons-nous fait d’eux ? L’artiste Donni Buffalo Dog, elle-même d’origine indienne a, à sa façon, repris certaines photos de Curtis (des portraits) pour en faire des dessins à l’encre très particuliers notamment des gros plans de visages très ridés ou des visages noircis au maximum. On dirait que certains visages sortent des ténèbres comme si elle voulait les faire réapparaitre sur Terre. Est ce que c'était la volonté de l’artiste ? Je me pose la question. Alors que, de mon côté, j’utilisais le papier Kraft pour reproduire certains portraits d’Indiens comme si je désirais les faire revenir de la terre des plaines (couleur du Kraft), de leur Terre-mère si adorée, elle s’employait à faire revenir des visages d’un ciel noir, empli de tâches d’encre. Ses dessins ont produit sur moi « une petite révolution intérieure » car nous avions reproduit des portraits identiques de manière différente et ses portraits ridés, de façon parfois exagérée, m’ont révélé une technique d’approche du dessin beaucoup plus marquée : j’abandonnais mes crayons graphites et prenais de la craie blanche (white coal) pour des traits très accentués sur du papier noir… Découvrons maintenant la voix de l’artiste !   
  
Donni Buffalo Dog, artiste et auteur métisse amérindienne :

Dans l’extrait ci-dessous, Kawin Reynolds nous éclaire un peu sur sa vie dans un ouvrage consacré à ses dessins, ses sculptures en bronze et ses gravures:

« Buffalo Dog avait déjà dépassé quarante-cinq hivers quand elle réalisa qu’il y avait pour elle une autre façon de vivre que celle qu’elle avait toujours connue. Elle quitta la ville et la société des Blancs pour aller vivre au milieu de la nature sauvage dans un tipi. Là, avec la seule compagnie de ses chiens bien-aimés et de son travail, elle partit à la recherche et sur les pas de ses ancêtres amérindiens. Là, aussi, elle trouva une paix qu’elle recherchait depuis longtemps.
Après la mort prématurée de son père Pawnee/Cherokee, alors qu’elle n’était qu’un bébé, Donni fut élevée par sa mère américaine sans que rien de sa double appartenance ne lui soit révélé. Pourtant, d’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours ressenti un gouffre entre elle-même et la société des Blancs dans laquelle elle s’efforçait de vivre. […]

Dessins de Donni Buffalo Dog

 […] Sans conteste, on trouve dans son œuvre des traces de cette approche ancestrale, celle d’un peuple qui observe attentivement le monde naturel qui l’entoure et qui vit en harmonie avec cette nature. […]

[…] La pureté de son inspiration et la persévérance de ses intentions ont fait reconnaître son œuvre et cette artiste dont le double propos et unique est la spiritualisation du monde naturel et la représentation des peuples tribaux qui, jadis, y habitaient. »

Comme l’a souligné précédemment Claude Lévi-Strauss, les Indiens du Sud et du Nord étaient en si grande symbiose avec leur milieu naturel qu’on peut dire qu’ils étaient des écologistes avant l’heure…
Dessins de Donni Buffalo Dog
  
Voici maintenant quelques pensées de l’artiste… A méditer !!!

.… Pour apprendre quelque chose dont vous ne connaissez rien,
vous devez toujours abandonner d’autres choses….

C’est pourquoi je vous demande de laisser votre vanité en d’autres lieux,
d’entrer dans ce livre avec la volonté et l’esprit dénués de critique d’un enfant,
de quelqu’un d’ouvert à la découverte de ce qui se présente.

Ne regardez pas seulement ce peuple…. ces « Indiens »….
mais regardez EN EUX.

Et quand vous aurez vu les choses familières, regardez à nouveau,
regardez plus longtemps, plus près et plus profondément.

Cherchez ce que vous ne pouvez pas facilement reconnaître :
le triomphe qui contrebalance la tragédie.

Regardez et méditez sur ce que vous aurez vu.

Puis…. cherchez encore !

De cette manière, en vous rapprochant encore plus du « peuple »,
vous approcherez de votre propre centre.

Comprenez l’importance, la vérité, ce qu’ils appellent la « différence »
et peut-être découvrirez-vous quelque chose de bon.

Le bon : quelque chose de bon pour vous,
quelque chose de bon pour celui qui est différent de vous….
ET QUELQUE CHOSE DE BON POUR LE TOUT.

 « Le voyage personnel vers l’expansion est long, difficile, parsemé de questions, et les réponses, les résultats ne viennent que de l’intérieur de soi-même ».

« Peut-être trop nombreux sont ceux d’aujourd’hui qui ont juste assez de religion pour se haïr et pas assez pour s’aimer. »

« La légende : une histoire construite sur la vérité des traditions, racontée d’une voix captivante, accompagnée du langage des signes…. et peut-être d’une plume d’aigle pour accentuer l’importance de l’instant. »

« Quand vous ressentez le besoin d’apprendre quelque chose, installez-vous en silence aux pieds de celui ou de celle qui sait quelque chose.
Ecoutez et observez, reconnaissez et mémoriser…. et alors, peut-être. Peut-être !!!!

« Moins je parle, plus je comprends. »

« Le courage c’est d’abandonner ce qui nous est familier. »

 Et maintenant voyons mes dessins d'après les photographies de Edward Sheriff Curtis, grand inspirateur pour tous, écrivains ou artistes !












Et quand bien même, les morts d'autrefois (les Indiens d'Edward Sheriff Curtis ou d'autres) revenaient, ce ne serait pas pour nous brimer car leurs humiliations en ont faits des hommes de Paix et ils ne nous donneraient que des leçons de vie...

George Catlin (1796-1872), peintre des Indiens des plaines.

« Il est un drôle de pistolet. Tout le poussait à assurer son existence, joyeuse, entreprenante, tonique comme savent le faire mieux que quiconque ceux que nous nommons aujourd’hui « les Américains ». Au début du XIXe siècle, sur ce vaste territoire qui incite à l’aventure, il se destine par conformisme familial à une brillante carrière d’avocat, mais l’aventure le rattrape. Il préfère la peinture à la vie morne des bureaux ; il y passe tout son temps, et quand il ne peint pas, il voyage à la recherche de ses sujets. A vingt-cinq ans, en 1821, emporté par sa fougue, il lâche tout pour se faire le témoin de ce qui sera l’unique passion de toute sa vie : les Indiens, premiers et légitimes habitants de cette terre qui s’étend à perte de vue. Pour les peindre et les dessiner d’abord, rassembler ce qui fait leur spécificité ensuite : costumes, masques, coiffes, bijoux armes, objets, artisanat… Et toujours prendre des notes innombrables. Tout est devenu pour lui source d’inspiration et d’émerveillement. Une telle force vitale au contact direct de la nature lui inspire le plus grand respect, loin, très loin de la bourgeoisie qu’il a quittée. Il saisit sur le vif ce qu’il voit, ce qu’il vit, restant de longs moments chez les uns et les autres. Il devient Indien lui-même, ou peu s’en faut, pendant toutes ces années. Il tire le portrait des chefs, provoquant à la fois la crainte et la stupeur devant le résultat immédiat de ses œuvres. Ses modèles veulent être représentés de face, jamais de profil pour ne pas être un homme à moitié.
En 1838, George Catlin a constitué une « collection » avec tout le matériel rassemblé patiemment. C’est la première du genre, la plus complète, obtenue sans contrainte ni spoliation. Il la présente sur la côte est des Etats-Unis, où il obtient un succès d’estime mais pas la reconnaissance officielle qu’il attendait ; puis il s’embarque pour l’Europe où il restera huit ans avec sa « troupe d’Indiens », recrutée pour l’occasion. Londres et Paris lui font un triomphe. Le roi Louis-Philippe le reçoit au palais des Tuileries en 1845. Les danseurs amérindiens qui accompagnent le peintre font sensation. Baudelaire, Théophile Gautier, Delacroix, George Sand… sont admiratifs de cet ethnologue avant l’heure qui les plonge dans un monde inconnu, même s’ils ne sont pas dupes de la signification un peu mortifère de ce spectacle d’une civilisation en sursis, qui va disparaître dans peu d’années… » (Résumé du livre) 

Drawings on black paper : Catherine Pulleiro

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